À l’été 1995, plus d’une dizaine de fosses communes ont été creusées le long du chemin Čančari, à Kamenica, hameau de Bosnie-Herzégovine. L’objectif : maquiller les crimes commis lors du massacre de Srebrenica en déplaçant les cadavres, sur fond de pression internationale croissante. C’est au fond de cette enclave qu’une petite communauté bosniaque résiste tant qu’elle peut, pour veiller à ce que la mémoire collective de cette tragédie ne sombre pas dans l'oubli.
Contexte
Cette histoire prend source à Sarajevo, ville phare du XXe siècle, carrefour entre l’Orient et l’Occident. C'est au coeur de cette enclave que le XXe siècle semblait s'être amorcé avec l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand, avant de se conclure avec l’éclatement de l’Ex-Yougoslavie. À la suite de cet effondrement de l’État, les tensions interethniques ont commencé à ravager les territoires. Au centre des Balkans, le long d’une rivière mythique, une escalade de violence insoupçonnée a mené à une campagne de nettoyage ethnique.
La Drina, rivière d’une importance symbolique, fût longtemps une frontière infranchissable entre le monde chrétien et le monde musulman. Durant la guerre de Bosnie, elle fût le théâtre des pires atrocités. Dans les jours qui ont suivi la prise de l’enclave de Srebrenica le 7 juillet 1995, plus de 8000 hommes et adolescents musulmans ont ainsi été tués. C’est ce qu’on nomme le génocide de Srebrenica.
Kamenica, une communauté fragile
C’est dans ce contexte, qu’à la fin de la guerre, des familles bosniaques* ayant fui le massacre sont retournées sur leur terre de la route Čančari. Lorsqu’elles ont recommencé à cultiver le sol, la terre a révélé des fosses remplies de corps, mettant à jour ceux qui avaient disparu après le massacre. Vingt-cinq ans plus tard, sur la route qui traverse ce rang, quelques plaques commémoratives ont été érigées sur les lieux où l’on a retrouvé les dépouilles, mais de nombreux sites restent anonymes, bien que connus. L’école du village quant à elle porte toujours les marques du conflit. En 2022, un nouveau monument à la mémoire des disparus a été inauguré à une intersection.
Ce récit visuel raconte l’histoire d’une communauté qui tente de tourner son regard vers le futur et de composer avec la réalité d’un négationnisme qui règne dans la région. Aujourd’hui les résidents du chemin Čančari continuent de cultiver la terre, et du sol, ils font croître la vie.
*Le terme bosniaque désigne les habitants de la Bosnie de confession musulmane
La mémoire comme arme contre le négationnisme
Les notions de tragédie, d’effacement et de l’importance de la mémoire sont au cœur du film. Entre documentaire d’observation et investigation de terrain, ce projet de court métrage nous plongera dans le quotidien d’une communauté partagée entre le désir d’une vie normale et la volonté de porter la mémoire collective de ceux qui sont disparus. Ce documentaire nous transporte dans la fragilité de leur vie quotidienne à travers les ruines de la guerre encore perceptibles, rappelant que la paix est un état fragile et que les tensions sont toujours présentes. Les images seront réalisées en Bosnie-Herzégovine, à une cinquantaine de kilomètres de Srebrenica, le long du chemin qui suit la rivière Kamenica. Une route sinueuse nous mènera à la rencontre de ses habitants, pour aborder une question vitale: est-ce que la vie peut reprendre dans les ruines de la guerre sur un territoire où le négationnisme du génocide règne?
À l'aube d'un deuxième séjour en Bosnie fin novembre 2024, le projet passera en post-production au début 2025.
Produit avec le soutien de